Les exigences de la réécriture - Benjamin Dupas (Vernon Subutex, Exfiltrés, 10%…)

"En écriture, on fait, on défait, on refait, on défait, on re-refait. Tous les jours, on pense qu'on a trouvé la bonne version de l'histoire et le lendemain, ou trois jours après, elle tombe. Pour une raison de continuité, parce que le personnage ne veut pas aller dans cette direction, parce qu'on n'y croit pas, ou alors parce que ça devait être drôle et que ça ne l'est pas, ou alors car on l'a déjà fait, ou encore parce que ça bouffe l'épisode d'après, ou juste : parce que c'est mauvais. Ce truc fascinant avec l'écriture de scénario, c'est qu'on refait énormément de fois les choses, et qu'il faut être à chaque fois meilleur que soi-même. Je pense qu'il y a beaucoup de métier où l'on doit refaire, mais pas autant de fois que les scénaristes. À chaque fois, il faut relire et être meilleur que soi-même. Et c'est terrible car on sait très bien, avec l'expérience, si c'est bien ou pas bien. On ne sait pas à quel point, mais on le sent et on essaie de se le cacher. On lit le texte. On se dit, bon, qu'on va prendre un café. Puis on relit et on sait que ce n'est pas bien. Que ce soit écrit par soi-même ou quelqu'un d'autre, on a le même feeling. Et le problème, c'est qu'on ne sait pas pourquoi ça ne va pas. Donc il faut avoir des tonnes d'outils. Et c'est là que les outils théoriques, les manuels, ça sert. Pour comprendre ce qui ne marche pas dans une histoire. Pour construire une histoire à partir de la théorie, non, c'est beaucoup plus compliqué. Mais pour conscientiser ce qui ne marche pas, c'est bien. Donc, [quand on co-écrit] on passe nos journées à se casser les idées des uns des autres pour expliquer pourquoi ça ne marche pas, et trouver ce qui marche mieux. Ce n'est pas du tout un processus linéaire."

(Extrait de "Secrets de Scénaristes" dispo ici)


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