Qu'est ce qu'un grand film ? Les 7 critères de Paul Schrader


Dans le monde actuel de la critique, entre amateurs partageant leurs points de vues tranchés sur les réseaux et critiques de journaux ou revues idéologiques focalisées sur leur lectorat, les jugements se perdent dans un tourbillon de biais et de partialité, qu'elle soit culturelle, politique, identitaire ou autre. Nous traversons une époque où l'opinion personnelle, souvent exacerbée, éclipse l'analyse cinématographique et il devient de plus en plus difficile de distinguer les critiques authentiques des jugements superficiels.

Cette réalité nous amène à une question fondamentale, toujours non résolue : 

Au-delà des préférences individuelles, quels critères définissent un grand film?

Paul Schrader, l’immense scénariste de Taxi Driver et réalisateur de chefs d’oeuvre tels que Hardcore et First Reformed a abordé cette question dans un texte rédigé en 2006: "CANON FODDER - Alors que le soleil se couche sur le siècle du cinéma, selon quels critères déterminer ses chefs-d'œuvre?". 

Ce texte incontournable, qui devrait être lu par tout passionné de cinéma, qu'il soit critique ou simple cinéphile, définit sept critères pour tenter de déterminer ce qu’est un chef-d'œuvre du septième art. Schrader y propose également un classement de soixante films qu'il considère comme les meilleurs de l'histoire du cinéma.

Je vous invite à lire l'article complet de Schrader ici CANON FODDER - PAR PAUL SCHRADER

Pour ceux qui préfèrent une synthèse, voici une traduction des passages marquants de l'article, ces fameux sept critères, en commençant par "le plus ancien, celui qui dérange" :

1/ La beauté
L'effacement du canon artistique au 20ème siècle coïncide avec la fuite du concept de Beauté. Les derniers apologistes de la Beauté, Santayana et Croce, vivaient avant l'ère du cinéma ; le siècle dernier, sous l'influence de Wittgenstein, les esthéticiens ont dénigré la tentative de trouver des qualités essentielles à l'art. La Beauté était davantage perçue comme une valeur universelle que comme une fonction du plaisir. Cette association a conduit, dans les cas extrêmes, à la trivialisation de la Beauté, comme dans l'affirmation « c'était tellement beau », qui implique quelque chose de moins que substantiel. Picasso et Pollock auraient soutenu que leur art n'était pas fait « simplement » pour procurer du plaisir, mais pour bouleverser, pour changer le monde. Dans un tel contexte, la Beauté semblait non seulement triviale, mais aussi banale.
 
Pourtant, la Beauté est la base de tous les jugements de goût, comme le savait bien Kant, et sans un respect pour la Beauté, les jugements sont balayés par les vents de la mode. La solution au problème de la Beauté n'est pas de nier sa puissance, mais d'élargir ses paramètres. La réhabilitation du concept de Beauté implique non seulement une acceptation des contradictions de Kant, mais aussi une expansion du concept lui-même. La Beauté n'est pas définie par des règles et des attributs (symétrie, harmonie, variété dans l'unité — la "forme significative" de Clive Bell) mais par sa capacité à transformer qualitativement la réalité. Crispin Sartwell montre la voie vers une appréciation élargie de la Beauté dans son livre, Six Names of Beauty. Cherchant à libérer le mot «beauté» de son usage contemporain chargé de clichés, Sartwell le replace dans différentes cultures : beauty (anglais), objet de désir ; Yapha (hébreu), éclat, floraison ; sundara (sanskrit), entier, sacré ; to kalon (grec), idée, idéal ; wabi-sabi (japonais), humilité, imperfection ; et hozho (navajo), santé, harmonie. La reproduction mécanique a exigé une définition plus large de l'art, il en va de même pour la Beauté.
 
2/ L'étrangeté
Harold Bloom utilise le terme "étrangeté" plutôt que le terme plus courant "originalité". L'étrangeté est le type d'originalité que nous ne pouvons "jamais totalement assimiler". Le concept d'étrangeté enrichit la notion traditionnelle d'originalité, y ajoutant des connotations d'imprévisibilité, d'insaisissabilité, et de magie. Dire que Jean Cocteau était original semble quelque peu réducteur ; il était plus qu'original, il était étrange. L'originalité est une condition préalable au canon - le sujet doit être exprimé d'une manière inédite - mais c'est l'ajout de l'étrangeté à l'originalité qui confère à ces œuvres leur statut pérenne. Cette étrangeté, cette explosion imprévisible d'originalité, est l'attribut d'une œuvre d'art qui amène les générations successives à s'interroger, à en débattre, à en être émerveillées. L'étrangeté est le terme des Romantiques et de Hegel, et de tous les autres par la suite — jusqu'à être remplacé par le plus récent "déstabilisation". 
 
2/ L'unité de forme et de sujet
Il est difficile de contester ce critère traditionnel de la valeur artistique. « La grandeur et l'excellence de l'art », déclare Hegel dans "Esthétique", « dépendront du degré d'intimité avec lequel la forme et le sujet sont fusionnés et unifiés. » L'art reproduit mécaniquement complique grandement — et délicieusement — les possibilités de cette unité. Les films sont multiformes, juxtaposant des images réelles et artificielles, de la musique, du son, du décor, et des styles d'interprétation pour un effet contrasté. Le cinéma n'a pas une « forme significative », il a des juxtapositions significatives de formes. Prenez par exemple la juxtaposition chez Robert Bresson ou David Lynch d'un décor réaliste et d'une interprétation stylisée. En architecture, on dit que la forme suit la fonction ; au cinéma, la forme suit la friction. Ces juxtapositions de formes existent nécessairement à un moment donné pendant un film ; de plus, au fil du film, elles évoluent, fluctuent, se métamorphosent. La forme d'un film au milieu ou à la fin n'a pas besoin d'être la même qu'au début. En jugeant un film, un critique évalue l'interaction des formes par rapport à leur fonction (commerciale, éducative, esthétique) et le sujet. Dans un « grand » film, les frictions de forme s'associent pour exprimer la fonction de manière nouvelle et « étrange ». Il est impossible de discuter de la forme de "La Règle du jeu" sans également décrire son sujet.
 
4/ La tradition
Le critère de la tradition est le mieux argumenté par T.S. Eliot dans "Tradition and the Individual Talent" : "Aucun poète, aucun artiste d'aucun art, n'a sa pleine signification seul. Sa signification, son appréciation est l'appréciation de sa relation avec les poètes et artistes décédés. On ne peut pas le valoriser seul ; il faut le situer, pour le contraste et la comparaison, parmi les morts." Bloom reprend cet argument dans "The Western Canon". "La tradition n'est pas seulement une transmission ou un processus bienveillant", écrit-il, "c'est aussi un conflit entre le génie passé et l'aspiration présente, où le prix est la survie littéraire ou l'inclusion canonique." Cet argument historique est particulièrement applicable à l'histoire rapide du cinéma. En cent ans, les films se sont redéfinis une douzaine de fois. Eliot parlait de "poètes et artistes morts". Au cinéma, les ancêtres sont à peine décédés, si tant est qu'ils le soient. Il n'est pas rare que de grands cinéastes, mis de côté, observent – certains avec admiration, d'autres avec colère – leur œuvre de toute une vie être refaite et redéfinie. L'"agon" (pour utiliser le mot de Bloom) entre les précurseurs et les successeurs du film semble parfois plus simultané que séquentiel. L'un des plaisirs des études cinématographiques est de superposer ces cinéastes les uns aux autres, de les voir retravailler leurs prédécesseurs et leurs contemporains. Wong Kar Wai, par exemple, semble d'abord avoir été influencé par Scorsese et John Woo, traversant une phase influencée par Tarantino, avant d'émerger comme un grand artiste à la manière d'Alain Resnais. La courte durée de l'histoire du film rend la tâche décrite par Eliot et Bloom plus immédiate. La grandeur d'un film ou d'un cinéaste doit être jugée non seulement en fonction de ses propres mérites, mais aussi par sa place dans l'évolution du cinéma.
 
5/ La longévité ("répétabilité")
L'intemporalité est la condition sine qua non du canonique. Winckelmann, le père de l'histoire de l'art, était motivé par le besoin d'expliquer la beauté intemporelle de l'art grec. C'est fondamental : de Hume à Bloom, tous s'accordent pour dire que le grand art "résiste", il peut être expérimenté à plusieurs reprises, il peut être apprécié par des générations successives, il gagne en importance et en contexte avec le temps. Ce critère a survécu même à l'ère de la reproduction mécanique. Une carte postale de La Nuit étoilée de Van Gogh ne diminue pas l’original ; des chaises Eames identiques ont la même intégrité qu'un canapé unique de William Morris.
 
Les films n'étaient pas initialement conçus pour "résister". Les films étaient des produits jetables. La plupart des premiers films ont été perdus pour la simple raison que personne ne pensait qu'ils valaient la peine d'être conservés. Pourtant, les films résistent — maintenant plus que jamais. Avec l'avènement de la cassette vidéo, des DVDs et des fichiers numériques téléchargeables, les films ne résistent pas seulement, ils prospèrent. Des films qui ont été commercialement infructueux lors de leur sortie initiale en salle (Citizen Kane, Vertigo, The Searchers) sont devenus des incontournables économiques. La capacité de certains films à conserver leur impact au fil des visionnages répétés est un exemple parfait de ce qui fait un "classique". Prenons Citizen Kane, par exemple. Il n'y a rien dans ce film — la cinématographie, la composition, le montage, les performances, les effets sonores — qui n'ait été copié et recopié, vu par des générations successives de cinéphiles des milliers de fois. Pourtant, malgré cela, le fait demeure que Kane, comme tout art qui perdure, séduit aussi bien le premier spectateur que celui qui le revoit.
 
6/ L'engagement du spectateur
J'aimerais introduire un critère spécifique au cinéma, un critère qui ne découle pas de l'histoire mais de la passivité de l'expérience cinématographique. Un spectateur de cinéma n'a rien à "faire". La musique évoque des images, le théâtre exige du spectateur qu'il comble les vides, la peinture suggère un monde au-delà du cadre ; en comparaison, le cinéma demande très peu. Tout est fait pour le public : les informations qu'ils reçoivent et les émotions qu'ils ressentent sont aussi préétablies qu'un horaire de train. L'attrait principal du cinéma pourrait en effet résider dans le fait qu'il nous demande si peu. Le spectateur n'a qu'à s'asseoir et regarder. Un grand film est celui qui, dans une certaine mesure, libère le spectateur de cette torpeur passive et l'engage dans un processus créatif de visionnage. La dynamique doit être bidirectionnelle. Le grand film ne vient pas seulement vers le spectateur, il attire le spectateur vers lui. Le film, soit en retenant des éléments attendus, soit en posant des contradictions, pousse le spectateur à s'immerger dans l'écran, pour ainsi dire, et à bouger les éléments créatifs. Ce n'est pas un spectateur essayant de deviner "qui a fait ça ?". C'est plutôt un spectateur faisant des identifications qu'il n'avait pas l'intention de faire, tirant des conclusions que le film ne peut maîtriser, réassemblant le film d'une manière unique et personnelle. Un grand film, un film qui perdure, exige et reçoit la complicité créative du spectateur.
 
7/ La moralité
J'hésite à introduire le critère artistique le plus ancien (et le plus éculé), la moralité, un critère qui va de Platon (qui a rapproché l'éducation esthétique à la bonté morale) à Kant (l'esthétique comme voie vers la bonté morale) en passant par Ruskin et Leavis (chaque grande œuvre est une grande œuvre morale). Ce n'est pas que je pense que les arguments moraux n'ont pas leur place dans la discussion sur l'art, c'est juste qu'ils sont mieux suggérés que clairement énoncés. Les films auront toujours une composante morale. On ne peut pas représenter des situations de la vie réelle, développer des personnages et raconter des histoires dans le temps sans implications morales. Pour paraphraser l'injonction que Jung avait fait graver sur sa pierre tombale : "Appelée ou non, la moralité sera là." Il est logique que les grands films aient une grande résonance morale. Je ne vois simplement pas la valeur esthétique de comparer une résonance morale à une autre. Le documentaire nazi de Leni Riefenstahl, "Triumph of the Will", est sans doute le film par excellence, le pivot du siècle du cinéma, combinant la capacité du film à documenter avec sa propension à raconter, illustrant la libération des artistes féminines par le nouveau médium, symbolisant la fusion marxiste de l'art et de l'esthétique - bien sûr, c'est une œuvre de résonance morale. Bonne ou mauvaise résonance ? Presque tout le monde s'accorderait à dire qu'elle est mauvaise, mais ce n'est pas le point essentiel. L'essentiel est qu'aucune œuvre qui ne parvient pas à toucher les cordes morales ne peut être canonique.

Voici les films sur lesquels je voulais écrire (la "liste d'or") 
 
J'ai joint les noms des réalisateurs car, pour la plupart, ces films portent l'empreinte indélébile du réalisateur. Le cinéma est un médium collaboratif, et on ne peut jamais être certain de l'interaction créative qui donne naissance au film final. Même les réalisateurs les plus dominants sont redevables à leurs collaborateurs (même s'ils rechignent à l'admettre). Qu'est-ce que "Le Parrain" de Coppola sans Mario Puzo, "Citizen Kane" de Welles sans Gregg Toland, "Shanghai Express" de von Sternberg sans Marlene Dietrich? Dans certains cas, l'influence des collaborateurs sur le film est évidente : Odets et Lehman sur "Sweet Smell of Success", Warner Bros. sur "Casablanca". Dans d'autres cas, elle doit être décelée : von Harbou sur "Metropolis", Adolfo Boy Casares sur "L'Année dernière à Marienbad". 
Le plus proche d'un véritable auteur était Charles Chaplin - producteur, réalisateur, scénariste, acteur, monteur, compositeur - mais même Charlot a été influencé par les clowns qui l'ont précédé. De plus, j'ai listé un film par réalisateur, un choix qui frise l'arbitraire. On pourrait tout aussi bien argumenter en faveur de "My Darling Clementine" et "The Searchers", "Journal d'un curé de campagne" et "Pickpocket", "L'Avventura" et "La Nuit", "Annie Hall" et "Crimes et délits", "Sonate d'automne" et "Persona", "Vertigo" et "L'Inconnu du Nord-Express".
 
OR
1. La Règle du jeu - Jean Renoir, 1939 
2. Voyage à Tokyo - Yasujiro Ozu, 1953
3. Les Lumières de la ville - Charles Chaplin, 1931
4. Pickpocket - Robert Bresson, 1959 
5. Metropolis - Fritz Lang, 1927
6. Citizen Kane - Orson Welles, 1941 
7. Orphée - Jean Cocteau, 1950
8. Masculin, Féminin - Jean-Luc Godard, 1966
9. Persona - Ingmar Bergman, 1966
10. Sueurs froides (Vertigo) - Alfred Hitchcock, 1958
11. L'Aurore - F.W. Murnau, 1927
12. La Prisonnière du désert - John Ford, 1956
13. Un cœur pris au piège - Preston Sturges, 1941
14. Le Conformiste - Bernardo Bertolucci, 1970
15. Huit et demi - Federico Fellini, 1963
16. Le Parrain - Francis Ford Coppola, 1972 
17. In the Mood for Love - Wong Kar-wai, 2000 
18. Le Troisième homme - Carol Reed, 1949
19. Performance - Donald Cammell / Nicolas Roeg, 1970
20. La Nuit - Michelangelo Antonioni, 1961
 
ARGENT
21. Mother and Son - Alexander Sokurov, 1997  
22. Le Guépard (The Leopard) - Luchino Visconti, 1963  
23. Les Morts (The Dead) - John Huston, 1987  
24. 2001 : L'Odyssée de l'espace (2001: A Space Odyssey) - Stanley Kubrick, 1968  
25. L'Année dernière à Marienbad (Last Year at Marienbad) - Alain Resnais, 1961  
26. La Passion de Jeanne d'Arc (The Passion of Joan of Arc) - Carl Dreyer, 1928  
27. Jules et Jim (Jules and Jim) - François Truffaut, 1962  
28. La Horde sauvage (The Wild Bunch) - Sam Peckinpah, 1969  
29. Que le spectacle commence ! (All That Jazz) - Bob Fosse, 1979  
30. La Vie d'Oharu, courtisane (The Life of Oharu) - Kenji Mizoguchi, 1952  
31. Entre le ciel et l'enfer (High and Low) - Akira Kurosawa, 1963  
32. Le Grand Chantage (Sweet Smell of Success) - Alexander Mackendrick, 1957  
33. Cet obscur objet du désir (That Obscure Object of Desire) - Luis Buñuel, 1977  
34. Un Américain à Paris (An American in Paris) - Vincente Minnelli, 1951  
35. Voyage en Italie (Voyage to Italy) - Roberto Rossellini, 1954  
36. Taxi Driver - Martin Scorsese, 1976  
37. Tous les autres s'appellent Ali (Ali: Fear Eats the Soul) - Rainer Werner Fassbinder, 1974  
38. Blue Velvet - David Lynch, 1986  
39. Crimes et délits (Crimes and Misdemeanors) - Woody Allen, 1989  
40. The Big Lebowski - Joel Coen, 1998  
 
BRONZE
41. Les Chaussons rouges (The Red Shoes) - Michael Powell & Emeric Pressburger, 1948  
42. Chantons sous la pluie (Singin' in the Rain) - Stanley Donen & Gene Kelly, 1952  
43. Chinatown - Roman Polanski, 1974  
44. La Foule (The Crowd) - King Vidor, 1928  
45. Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard) - Billy Wilder, 1950  
46. Parle avec elle (Talk to Her) - Pedro Almodóvar, 2002  
47. Shanghai Express - Josef von Sternberg, 1932  
48. Lettre d'une inconnue (Letter from an Unknown Woman) - Max Ophüls, 1948  
49. Il était une fois dans l'Ouest (Once Upon a Time in the West) - Sergio Leone, 1968  
50. Salvatore Giuliano - Francesco Rosi, 1962  
51. Nostalgia - Andrei Tarkovsky, 1983  
52. Sept hommes à abattre (Seven Men From Now) - Budd Boetticher, 1956  
53. Le Genou de Claire (Claire's Knee) - Eric Rohmer, 1970  
54. La Terre (Earth) - Alexander Dovzhenko, 1930  
55. Gun Crazy (Le Démon des armes) - Joseph H. Lewis, 1949  
56. La Griffe du passé (Out of the Past) - Jacques Tourneur, 1947  
57. Les Enfants du paradis (Children of Paradise) - Marcel Carné, 1945  
58. L'Appât (The Naked Spur) - Anthony Mann, 1953  
59. Une place au soleil (A Place in the Sun) - George Stevens, 1950  
60. Le Mécano de la générale (The General) - Buster Keaton, 1927  

 

 

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