L'art et l'artisanat, le genre, l'émotion... James Gray, maître à penser


L'art et l'artisanat
Qu'est-ce qui fait un artiste ? Je pense que la chose à laquelle il faut aspirer en priorité est de devenir un très bon artisan. Je pense que si vous maîtrisez votre artisanat, l'art suivra. L'art est l'expression unique de l'état d'âme du créateur et plus vous pouvez transmettre cela clairement, plus vous pouvez le faire de manière émotionnelle, meilleur artiste vous êtes.

L'importance des genres au cinéma
Le genre est tout sauf une insulte, j’ai touché à des genres différents. Spielberg ou Kubrick l’ont fait aussi. C’est pour moi l’essence même du cinéma.

La création d'émotion comme mission de l'artiste
Si un film n’essaie pas d’engager le spectateur émotionnellement, que cherche-t-il à faire ? C’est la mission de cet art et plus largement, du storytelling : créer des émotions et nous permettre de comprendre qui nous sommes, de comprendre les connexions qui nous unissent – ou le manque de connexion, d’ailleurs. Je ne comprendrais pas de passer deux ans de ma vie à travailler sur un film qui ne chercherait pas à être émotionnellement expressif. Quelle serait l’alternative ? Être intellectuellement expressif ? Pour ça, il suffit d’écrire un mémoire universitaire ! Ce n’est pas la fonction de l’art. Les toiles de Van Gogh ne sont pas fournies avec un mémoire universitaire à lire au préalable.
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La nécessité de rendre accessible les oeuvres ambitieuses
Dans les années 70, Coppola faisait Le Parrain et Le Parrain II, soit l’Iliade et l’Odyssée de la civilisation américaine, puis Apocalypse Now qui serait notre Enéide. Et vous pouviez lancer n’importe qui dans la rue sur le Parrain : «Ouais, j’adore !» C’est ce que je cherche : l’accessibilité de quelque chose porté par de hautes aspirations, satisfaire le public mais sans l’exploiter [au sens commercial du terme].
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Au-delà de l'intellectualisation critique : l'imaginaire

On a besoin de l'imaginaire. Aujourd'hui, cette absence est due à l'influence démesurée du poststructuralisme et des cultural studies, qui ont inculqué aux gens l'illusion qu'ils sont au-dessus des [grands récits]. Et c'est en partie à cause de ça que les artistes sont devenus merdiques. Quand vous ne ressentez pas le besoin de vous connecter aux autres à un niveau très primaire, ou de vous plonger dans l'imaginaire, et que vous remplacez ça par le désir de déconstruire avant que le lecteur ou le spectateur ne le fasse, alors votre travail n'apporte rien. Parce que vous êtes en train de dire que la vie n'importe pas, que tout est mensonge, et que vous êtes en surplomb. Or vous ne l'êtes jamais. Tout cela contribue à la crise qui touche les artistes partout dans le monde, surtout dans le cinéma : une perte de la perception. On a éduqué les gens dans l'idée erronée selon laquelle l'histoire de l'humanité n'importe pas, on leur apprend que l'investissement émotionnel n'importe pas. C'est contre ça qu'on doit se battre. Et pour revenir à Francis Ford Coppola : il n'a jamais fait ça, lui. Il n'a jamais dit : "Je suis au-dessus de mon travail." Au contraire, il n'a fait qu'essayer d'investir la part émotionnelle de son oeuvre.

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En prime, voici la première interview de James Gray. On est en 1994 sur le plateau de l’émission de France 2 « Le Cercle de Minuit ». Face à Laure Adler, le jeune auteur-réalisateur de 25 ans 
vient présenter son premier long-métrage, le superbe Little Odessa, Lion d’argent du meilleur réalisateur à Venise en 1994.
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