La véritable origine de la politique des auteurs - Yves Lavandier (La dramaturgie)

En France, on estime que l’auteur d’un film est essentiellement le réalisateur et que c’est lui qui doit écrire le scénario, même s’il peut se faire aider par d’autres. C’est l’inverse des pays anglo-saxons, notamment des États-Unis, où, sauf exception, tout part du scénario et où le réalisateur intervient après. Je crois que, chez nous, cela date de la Nouvelle Vague. Est-ce que c’est en train d’évoluer? 
(...) Cette tradition, en fait, ne date pas de la Nouvelle Vague. Elle prend racine dans les années 1920. Quand Germaine Dulac, Élie Faure, Ricciotto Canudo et d’autres ont décrété, à raison d’ailleurs, que le cinéma était un art. Et qu’en plus, à ce titre, il ne pouvait y avoir qu’un seul artiste. Car, si l’art est dilué dans la collaboration, cela cesse d’être glorieux. Non seulement cette fierté est ridicule mais elle est aussi illégale en France. Notre code de la propriété intellectuelle, qui date de 1957 (légèrement révisé en 1992) stipule très clairement qu’un film, comme une œuvre audiovisuelle, ont plusieurs auteurs. On trouve même dans la loi trois mots qui donnent des pustules aux idéologues de la politique des auteurs : « réalisée en collaboration ». Ce n’est pas « créée en collaboration » ou « conçue en collaboration », non c’est « réalisée ». C’est tellement insupportable que, dans un traité récent, un défenseur ardent de la politique des auteurs cite le texte de la loi mais en omettant ces trois mots !

Source, interview de Serge Siritzky : https://siritz.com/le-carrefour/evaluer-un-scenario-par-yves-lavandier/

Yves Lavandier développe cette question et beaucoup d'autres dans ce numéro de Secrets de scénariste.

De plus, comme l'explique la scénariste Astrid Condis : Le terme "cinéaste" est ancien (années 20). Il a été crée officiellement par Delluc, critique du cinéma particulièrement engagé dans l'avant-garde. Donc désireux de faire comprendre aux gens à quel point le cinéma était quelque chose d'artistique voir artie (=branché). Pour lui, réalisateur était trop connoté technicien du film, voir pire ingénieur du film. Il fallait créer une dimension supérieure à cette fonction simple et technique. Et lui est venu le terme "cinéaste" qui glorifie l'action de faire des film, la sanctifie même. Cinéaste veut presque dire, donner son âme au cinéma. Cinéaste a aussi une connotation plus passionnelle. Un rapport plus profond avec le cinéma. Pour recontextualiser dans son époque : un cinéaste était passionné de cinéma, donnait son âme au cinéma alors qu'un réalisateur pouvait n'être qu'un technicien qui sait faire fonctionner une caméra. Après la nouvelle vague, le terme est resté chez la critique cinéma, même s'il a été concurrencé par le terme "auteur", qui ajoutait encore plus de glamour et d'aura créatrice au réalisateur.

Pour creuser la question qu'est-ce qu'un auteur de cinéma ?, cette thèse de doctorat de 776 pages de Jérôme Pacouret parait intéressante.

Alors, qui est l'auteur principal d'un film ? Cliquez ici pour avoir la réponse de William Goldman.



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